Introduction : dépollution des sols par le chanvre, une solution d’avenir
La dépollution des sols par le chanvre fait partie de ce que l’on appelle la phytoremédiation. Le chanvre dépollue les sols en tant que plante hyperaccumulatrice. Le chanvre est capable d’absorber des métaux lourds via ses racines profondes. C’est notamment le cas pour le cadmium, le plomb, le zinc, le chrome… et pour d’autres polluants.
Selon certaines études, la concentration de cadmium dans la plante peut aller jusqu’à 90 fois supérieure à celle du sol.
Une expérimentation autour de Tchernobyl a montré la capacité du chanvre à absorber du césium 137 ou du strontium 90. Cette particularité étonnante permet au chanvre d’accélérer nettement la dépollution des sols radioactifs.
D’autres expérimentations ont donné de très bons résultats sur l’absorption par la plante des PFAS (les composés chimiques organiques fluorés de synthèse). Ces substances sont considérées comme des polluants éternels. Elles ont pour caractéristique de présenter une liaison chimique carbone-fluor particulièrement stable. Cela les rend très peu dégradables après utilisation ou rejet. Les FPAS font même partie des polluants dits éternels. Leurs effets néfastes sur la santé humaine sont avérés. Là aussi, le chanvre offre une méthode efficace pour nettoyer les sols contaminés, sans recourir à des méthodes invasives ou coûteuses.
Il n’est donc pas étonnant que l’idée d’un service de dépollution des sols par le chanvre nous travaille depuis un moment.
Et il y a peut être encore mieux à faire.
L’idée serait dans un premier temps de contractualiser sur de la phytoremédiation auprès de collectivités (communes, communautés de communes, régions). Ces organismes ont des terrains pollués comme d’anciennes friches industrielles. Il s’agit donc d’y cultiver du chanvre pour dépolluer ces sols de leurs métaux lourds, hydrocarbures, FPAS, etc.
Et si la dépollution n’est pas parfaite du premier coup, réduire la pollution de 30% à 70% sur ces terrains serait déjà considéré comme un très bon résultat. Ceci à moindres frais. On est en plein dans la régénération des sols.
Ce serait déjà là un premier niveau de rémunération pour le producteur et son entreprise qui proposerait ce service.
Et il y a sans doute encore mieux à faire.
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Cet article fait partie de la série sur les 7 modèles économiques du chanvre. Cette série est conçue pour aider les producteurs à diversifier leurs activités et leurs revenus. Le tout en renforçant la solidité de leur activité.
Si vous n’avez pas encore lu l’article récap, retrouvez-le ici : Diversifier son activité de producteur de chanvre : 7 modèles économiques pour le futur des filières chanvre. Il présente l’ensemble des modèles économiques pour le futur des filières chanvre et vous permet d’explorer les autres approches possibles.
Pourquoi miser sur la dépollution des sols par le chanvre ?
- Parce que c’est une plante hyperaccumulatrice, capable d’absorber métaux lourds, hydrocarbures, PFAS et autres polluants des sols.
- Parce que les méthodes classiques de dépollution peuvent se chiffrer en centaines de milliers, voire en millions d’euros à l’hectare. La phytoremédiation par le chanvre est 100 à 200 fois moins chère (comme nous allons le voir).
- Parce qu’elle génère en parallèle une production valorisable (convertir l’huile de chanvre en carburant).
- Parce qu’elle offre une solution écologique, locale et visible pour les collectivités.
Marché et potentiel de la dépollution des sols par le chanvre
On estime qu’en Europe, les deux tiers des sols sont dégradés (Source : Inrae). Ils le sont principalement pour des raisons liées à la pollution à des degrés divers. Rien qu’en France, en 2021, “on recense plus de 9 500 sites anciennement industriels et sols pollués. Des pollutions qui durent parfois au-delà du siècle (source : Ministère de la Transition Écologique).”
Le coût des méthodes de dépollution classiques est particulièrement élevé. L’excavation et le traitement des sols peuvent coûter entre 100 et 500 € par m². Autrement dit, la note peut atteindre 1 à 5 millions d’euros pour un site de seulement 1 hectare. Ces montants rendent souvent la réhabilitation de friches économiquement inaccessible pour les collectivités.

La phytoremédiation au chanvre permet d’envisager une alternative beaucoup plus abordable, tout en générant une production agricole valorisable. En effet, un hectare de chanvre cultivé à vocation graine, peut donner en moyenne 600 à 800 litres d’huile.
Alors serait-il possible de récupérer les graines pour en faire de l’huile et d’utiliser cette huile comme carburant à commercialiser ? Ceci en plus d’un service de phytoremédiation ?
Théoriquement oui. La valorisation de l’huile comme carburant permettrait d’éviter une utilisation comme huile alimentaire. Ce qui est intéressant, comme cette huile serait probablement impropre pour l’alimentation. Ceci compte tenu de son mode de production sur sols pollués.
Cette huile issue de sols pollués pourrait donc être utilisée comme carburant, soit de quoi alimenter :
- 2 à 3 tracteurs agricoles pendant une saison, ou
- une partie de la flotte municipale (camion-benne, engins de voirie) d’une petite commune.
Les HVP (huiles végétales pures) sont commercialisées entre 0,80 € et 1,20 €/L en filière locale. Cela représenterait de 480 à 960 € de valeur par hectare et par an. Valeur qui viendrait s’additionner à celle générée par la dépollution des sols par le chanvre payée par la collectivité.
Le potentiel de marché est donc double :
- côté dépollution : proposer aux collectivités une solution 10 à 20 fois moins coûteuse que les méthodes classiques,
- côté énergie : offrir un carburant renouvelable et local pour les exploitations et les communes, en substitution partielle au diesel fossile.
En résumé, ce modèle se situe au croisement de deux marchés massifs et en croissance :
- celui de la régénération des sols (plusieurs milliards d’euros de besoins en Europe),
- et celui des carburants renouvelables de proximité, soutenus par les réglementations climatiques et énergétiques.

Cette huile servirait à produire du bio-carburant via un processus structuré. Une fois l’huile extraite par pression mécanique, elle est filtrée (dépoussiérage, décantation, filtration fine).
Voyons maintenant concrètement ce que cela peut donner à l’échelle d’une petite commune.
Étude de cas chiffrée : dépollution de friche et valorisation énergétique
Dans cet exemple, prenons le cas d’un contrat sur 2 ans avec une collectivité pour la dépollution d’une friche de 10 hectares :
- Surface cultivée : 10 ha (chanvre à vocation graine, sur sols faiblement à modérément pollués).
- Production d’huile : entre 6 000 et 8 000 L/an (10 ha × 600–800 L/ha).
- Usages possibles (selon conformité qualité et cadre légal) :
- Modèle économique sur 1 année :
- Contrat de phytoremédiation : entre 3000 et 7000 € / ha, soit un CA sur 10 ha entre 30 000 et 70 000 € / an
- Vente de carburant : entre 4800 € (0,8 x 6000) et 9600 € (1,2 x 8000) de CA.
- Co-bénéfices : dépollution progressive à coûts maîtrisés, visibilité territoriale, montée en compétence d’une micro-filière énergie locale.
Un simple calcul donne donc un CA total entre 69 600 (2 x 30 000 + 2 x 4 800) et 159 200 € (2 x 70 000 + 2 x 9 600).
Un projet de dépollution classique en France peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros par hectare, voire dépasser le million dans certains cas.
En comparaison, ce modèle de phytoremédiation par le chanvre, estimé ici à 3 000–7 000 €/ha/an, pourrait être 100 à 200 fois moins coûteux, soit une très belle économie.
Au-delà du modèle économique, reste la question essentielle : est-ce légalement faisable ?
Le cadre réglementaire de l’huile de chanvre comme carburant
La valorisation du chanvre en carburant repose sur un cadre légal déjà existant en France et en Europe. Celui-ci ouvre des perspectives très concrètes pour les producteurs et les collectivités. Il n’est pas encore parfaitement mature pour une diffusion grand public.
L’utilisation du carburant en autoconsommation agricole
Depuis la Loi d’Orientation Agricole de 2006, les exploitants agricoles ont le droit d’utiliser de l’huile végétale pure (HVP) produite à la ferme. Et ils peuvent l’utiliser comme carburant dans leurs propres machines agricoles. Le décret n°2006-1560 du 11 décembre 2006 précise les conditions de qualité et de traçabilité.
Un producteur de chanvre peut cultiver, presser ses graines et utiliser son huile directement pour ses tracteurs ou groupes électrogènes.
Les échanges entre exploitations et coopératives
La réglementation autorise également la vente ou l’échange d’HVP entre exploitations agricoles. C’est notamment possible en direct ou via des coopératives ou des groupements de producteurs (LOA 2006 et ses décrets d’application).
Cela ouvre la voie à une filière locale de carburant mutualisée. La production peut être assurée par un producteur ou plusieurs fermes, puis distribuée dans un rayon géographique restreint.
La vente du carburant aux collectivités territoriales
Le décret n°2007-308 du 25.03.2007 permet aux collectivités d’utiliser des HVP. Il faut pour cela qu’elles disposent de véhicules municipaux, camions-bennes, engins de voirie, bateaux de pêche…
C’est une très belle opportunité. Cela confirme qu’une commune peut confier à des producteurs la fourniture d’un carburant renouvelable, en plus d’une culture dépolluante.
Conditions de conformité
Pour que cette utilisation soit acceptée, plusieurs conditions doivent être respectées :
- Qualité de l’huile : respect des critères fixés par le décret de 2006 (viscosité, acidité, indice de cétane).
- Normes européennes : pour une transformation en biodiesel, l’huile doit être conforme à la norme EN 14214 (standard européen pour le biodiesel).
- Traçabilité : volumes produits, acheteurs, usage final, analyses qualité doivent être documentés (décret 2006-1560).
- Fiscalité : l’autoconsommation agricole bénéficie d’exonérations. Pour la vente, des règles de taxation (TICPE) peuvent s’appliquer (Ministère de l’Économie / Code des douanes).
Ce qui n’est pas possible
À ce stade, la vente de l’huile de chanvre comme carburant grand public (stations-service, particuliers) n’est pas autorisée. L’usage reste limité aux exploitations, coopératives et collectivités, dans un cadre contractuel clair.
En résumé : le cadre légal autorise déjà une valorisation de l’huile de chanvre en carburant
Ceci à condition de rester dans une logique territoriale et contractuelle.
3 usages sont déjà autorisés :
- Autoconsommation agricole (LOA 2006 + décret 2006-1560)
- Vente ou échange entre exploitations agricoles (coopératives, groupements)
- Vente aux collectivités à flottes captives (décret 2007-308)
Le potentiel qui en découle semble juste énorme. Toutefois, il y a certains aspects importants à vérifier sur la faisabilité du projet.
Questions clés à clarifier :
- Contamination de l’huile : les graines absorbent-elles les polluants au point de rendre l’huile impropre pour un usage comme carburant ? Là il faut vérifier par des analyses quels polluants se retrouvent dans l’huile. Ceci afin de confirmer la possibilité de l’utilisation de l’huile comme carburant sans risques toxiques.
- Filtration des huiles : peut-on filtrer ou nettoyer ces huiles si jamais elles sont impropres à leur utilisation comme carburant ?
- Acceptabilité technique et mécanique : l’huile de chanvre produit en biodiesel est convertible pour certains moteurs diesel classiques. Cela dit, son acidité, sa viscosité, son indice de cétane doivent respecter certaines normes. Par exemple, pour éviter les dépôts, l’encrassement ou la corrosion dans les moteurs.
- Aspects juridiques et règlementaire sur le biodiesel : produire et utiliser ce biodiesel nécessite des agréments spécifiques (normes EN‑14214 par exemple). Et il faut potentiellement une qualification pour usage agricole ou local, selon les volumes.
- Quel niveau de dépollution : jusqu’où peut on dépolluer un sol avec le chanvre ? Sur quelles types de pollution ? Peut-on espérer nettoyer une parcelle et la libérer de 70% de ses polluants, de 80 ou 90 % ? Sur combien de temps ? Cela fait partie des zones à explorer, de l’expérience à accumuler par la pratique, l’analyse, la recherche.
Les avantages de la dépollution des sols par le chanvre couplée à la production de bio-carburant
Catégorie | Avantages concrets |
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Écologiques | ✅ Dépollution (métaux lourds, hydrocarbures, PFAS) et régénération des sols sur de grandes surfaces, autrement inutilisables ✅ Captation de CO₂ par photosynthèse sur des terres impropres à l’alimentation ✅ Production de carburant de substitution aux énergies fossiles local et renouvelable au bilan CO2 neutre |
Économiques | ✅ Double source de revenus pour le producteur : contrat de phytoremédiation + valorisation en carburant ✅ Faible coût de dépollution pour les collectivités comparés à d’autres solutions de dépollution de sites (qui peut coûter plusieurs millions sur des années). ✅ Accès possible à des financements publics (fonds verts, ADEME, région, Europe…) ✅ Carburant produit à coût réduit, ✅ Carburant potentiellement moins cher pour les clients que les carburants classiques |
Territoriaux / politiques | ✅ Réhabilitation de friches industrielles ou militaires ✅ Création d’activités et d’emplois locaux en milieu rural (culture, transformation, maintenance) ✅ Projet facilement valorisable politiquement par les collectivités ✅ Visibilité forte du porteur de projet auprès des collectivités, citoyens et médias locaux ✅ Positionnement innovant et différenciant sur un sujet à fort impact écologique |
Ce que vous devez approfondir avant de lancer ce modèle
Point à explorer | Pourquoi c’est crucial |
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Étude agronomique du site pollué | Définir type et degré de pollution |
Tests d’analyse de l’huile | Pour garantir sécurité du produit |
Normes biodiesel (acidité, viscosité, indice cétane…) | Pour compatibilité moteur et réglementation |
Cadre contractuel avec collectivité | Définir périmètre, responsabilités, type de financement |
Plan d’écoulement des graines/huile | Vers presseries locales ou structure de biodiesel |
Durée de la phytoremédiation et viabilité économique | Modéliser temps d’amortissement et gains |
Comment mettre en place un projet de phytoremédiation au chanvre : phytoremédiation + production de carburant ?
- Phase 1 – Contrat de dépollution : Identifier une collectivité ou un industriel propriétaire de sols pollués. Signer une convention de phytoremédiation pour cultiver du chanvre sur les parcelles ciblées. La collectivité ou l’industriel finance ou subventionne le projet (fonds régionaux, appel à projets environnementaux).
- Phase 2 – Récolte et transformation des graines : la production des graines est transformée localement en huile (via un moulin adapté ou une presse). Suivie d’un contrôle qualité (analyses).
- Phase 3 – Production de biodiesel : traitement de l’huile de chanvre, filtration et conversion en biodiesel.
- Phase 4 – Commercialisation du carburant : Vente à des exploitants agricoles ou entreprises locales. Utilisation du carburant pour leurs équipements diesel (fermes, collectivités, coopératives…)
- Phase 5 – Communication territoriale : valorisation du projet (écologie, innovation, énergie locale) auprès des citoyens et des médias locaux. Les canaux de communication de la région, de la communauté de commune, de la ville peuvent être mis à contribution… Le chanvrier / l’exploitant devient référent d’une micro‑filière circulaire de production de bio-carburant.
Ce qu’il faut retenir de ce modèle :
- Le chanvre peut dépolluer les sols contaminés par des métaux lourds, hydrocarbures ou PFAS
- Cette phytoremédiation est valorisable financièrement auprès de collectivités ou d’industriels
- Les graines produites peuvent être transformées en carburant 100 % renouvelable, local et légalement autorisé
- Le modèle crée une double source de revenus : contrat de dépollution + vente de bio carburant
- Il offre une forte visibilité territoriale et un positionnement différenciant à fort impact écologique positif
Ce modèle répond à trois enjeux majeurs d’aujourd’hui, le tout en un seul projet :
- La dépollution des sols
- La valorisation d’une culture à haut potentiel écologique
- La production locale d’énergie renouvelable.
Il permet de transformer des terres inutilisables en source de revenus. Et il permet de les régénérer pour qu’elles soient à nouveau saines et valorisables sur le territoire. Du même coup, il positionne le producteur comme acteur innovant de la transition écologique.
Ce modèle est ambitieux et exigeant : il demande des analyses, un cadrage juridique et une stratégie claire. Ce n’est pas un projet qu’on peut mener seul sans s’entourer. Nous avons conçu nos programmes d’accompagnement Chanvre Légal Pro pour justement aider les producteurs à sécuriser leurs choix, à bâtir un projet viable et à trouver les bons partenaires. Si vous souhaitez explorer cette piste et voir comment l’adapter à votre situation, nous serons ravis d’en discuter avec vous.
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